Juliette Drouet

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Ce site propose l'édition savante du journal épistolaire de Juliette Drouet à Victor Hugo : environ vingt-deux mille lettres annotées par une équipe universitaire, publiées progressivement sur la présente plate-forme.
Updated: 16 hours 53 min ago

3

Tue, 22/03/2016 - 12:10

Guernesey, 3 novembre 1858, mercredi soir, 6 h.

Ce n'est pas une raison parce que j'ai le bonheur de diner avec vous ce soir, pour que je me prive du plaisir de vous gribouiller ma restitus en vous attendant, mon cher petit homme ; aussi vous voyez que je ne m'en prive pas. Mais voilà qui vaut mieux que mon gribouillage, c'est votre sacrée personne elle-même.

Jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon Victor bien-aimé, bonjour et bonne santé. J'espère que tu as bien dormi et que ton bobo n'a pas sourcillé depuis hier. Je craignais que le petit mouvement d'impatience que tu as eu à cause de ce pauvre gros bêtaa de QUESNARD ne t'agitât cette nuit et que le contrecoup ne s'en fît ressentir dans la région de ton vieux petit clou [1]. J'espère que non maintenant et que tu es aussi calme de corps que d'esprit. Du reste, mon cher bien-aimé, il est impossible de tendre plus cordialement et plus généreusement la main à un pauvre bonhomme infatué de sa fausse indépendance et de sa dignité soufflée, que tu ne l'as fait hier à ce gros démocrate chicaneur. Cela a été bien compris par tout le monde et par moi en particulier qui t'en suis très reconnaissante car je me trouvais dans un vrai embarras entre toi que j'aime et ce pauvre Kesler que je plains plus encore que je ne le blâme.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 311
Transcription d'Anne-Sophie Lancel, assistée de Florence Naugrette

a) « bêtat ».

[1] Le mois précédent, Hugo a souffert d'un furoncle.

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2

Tue, 22/03/2016 - 12:10

Guernesey, 2 novembre 1858, mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon bon petit homme, bonjour, à tout cœur, à toute voile et à toute âme ; bonjour. As-tu bien dormi, mon cher bien-aimé ? Comment vas-tu ce matin ? Moi, je vais très bien quoique j'aie peu et mal dormi. J'ai encore les yeux pleins de sable de notre promenade d'hier mais, somme toute, je crois que cette course nous aura fait du bien à tous nonobstant le vent et la poussière, sans compter la distraction que nous avons donnée à la pauvre Suzarde en la traînant avec nous. Aujourd'hui, je crois que nous ferons bien de rester chez nous car le froid est encore plus noir qu'hier. Puis j'ai à copire et ce n'est pas en courant la prétentaine que je vais faire MON OUVRAGE. Du reste, je ne vois pas sans un vrai et profond regret votre presse à copier arriver chez vous car il ne me restera plus rien de mes doux privilèges d'autrefois et je vous deviendrai encore plus indifférente et plus étrangère, cette communication de votre génie m'étant fermée [1]. C'est ainsi que je vois peu à peu le mur d'enceinte de ma prison cellulaire se dresser peu à peu par la force des choses et sans que toi et moi en soyons coupables, ce qui est d'autant plus triste que je t'aime autant et plus encore, si c'est possible, que dans ma jeunesse.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 310
Transcription d'Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

[1] Manifestement, cet instrument (on ignore quel en est le modèle) n'a pas donné satisfaction à Victor Hugo, puisqu'il continuera à faire appel à des mains humaines pour copier se manuscrits.

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1

Tue, 22/03/2016 - 12:10

Guernesey, 1er novembre 1858, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour ; je t'aime au noma de tous les saints dont c'est la fête aujourd'hui ; au nom de tout ce qui a aimé, prié et souffert sur cette terre, je t'aime, mon sublime éprouvé et je te bénis. Je te remercie de la bonne petite soirée que tu m'as donnée hier. J'espère que tu ne l'auras pas trouvée trop longue et que ton thi ne t'aura pas empêché de dormir ? Si tu vas sur la colline aujourd'hui, et que cela ne dérange pas ton travail, j'irai avec toi si tu veux. Il fait un temps à donner des jambes à un paralytique, aussi j'en profiterai pour mettre ma podagrerie en campagne. Il est bien regrettable de n'avoir pas un Grut quelconque et quelques viers coffres à l'horizon par ce beau temps mais nous saurons bien nous en passer, le soleil aidant, et surtout le bonheur de nous sentir côte à côte comme AUTREFOIS. En attendant je me dépêche de finir mon gribouillis pour donner à Suzanne le temps d'aller à la messe tout à l'heure, puis je reprendrai tantôt ma chère petite copire et je serai très heureuse. Pense à moi, mon cher petit homme, je prie pour toi et je t'aime. Dès que tu pourras venir me donner un petit bonjour, tu me rendras bien heureuse. Jusque-là c'est moi qui te donne mon âme.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 309
Transcription d'Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « aux noms ».

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31

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 31 mai [18]79, samedi matin, 7 h.

Ne te réveille pas, mon cher bien-aimé, il pleut, il fait froid, il fait un temps de chien. Ce que tu as de mieux à faire, et ce que je regrette de ne pouvoir faire, c'est de pioncer comme une marmotte toute la matinée. Je prends mon courage à deux mains pour te faire une scie des lettres auxquelles il faut que tu répondes et qui urgent dans leur coin en attendant que tu daignes y jetera un coup d'œil. Il en est de même pour de certains livres, celui de Cladel, par exemple. À ce propos, j'ai vérifié l'adresse de Bonnat qui demeure place Vintimille, 6 et non rue Vintimille, 45. Espérons que la poste saura rectifier l'erreur et que ta lettre arrivera malgré cela à son heureuse destination. Cher bien-aimé, je t'embête avec tous mes mémento mais c'est à mon cœur défendant car j'ai le respect de ton travail et de ton repos comme j'ai celui de mon amour et de mon adoration pour toi.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF, 16400, f. 137
Transcription de Chantal Brière

a) « jetter ».

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30

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 30 mai [18]79, vendredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon grand bien-aimé, mon trop aimé bien-aimé, bonjour, je te souris et je te bénis. Si mon désir et ma prière ont été exaucés tu dois avoir passé une très bonne nuit et m'aimer comme je t'aime de tout ton cher, grand et loyal cœur. Je viens de lire à L'Officiel [1] le compte-rendu in extenso de la séance du Sénat d'hier qui se termine par un ordre du jour qui fixe à jeudi prochain la séance publique à deux heures. Cela va te donner un peu de loisir pour répondre à plusieurs lettres en retard. Quant à nos promenades, je crains qu'elles ne soient tombées dans l'eau indéfiniment à en juger par le temps qu'il fait ce matin. Nous pourrions cependant, si tu le veux, aller en voiture fermée tantôt faire un petit tour au Salon où tu as plusieurs choses à voir, d'abord, avant tout, pour consoler ce brave Voillemot de l'injustice du public, voir les portraits de tes chers petits et lui en faire compliments de visu et du cœur ; ensuite le portrait de Gérômea [2] par le brave et charmant Léon Glaize. Puis, enfin, revoir ton portrait par maître Bonnat [3] qui attend de toi son satisfecit mérité pour son chef-d'œuvre. Puis en finb des fins m'aimer, moi qui t'adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF, 16400, f. 136
Transcription de Chantal Brière

a) « Jérome ».
b) « enfin ».

[1] Journal Officiel de la République française qui publie les comptes-rendus de séances du Sénat.

[2] Il s'agit du peintre Jean-Léon Gérôme dont le portrait figurait parmi les œuvres exposées au Salon de 1879.

[3] Le peintre Léon Bonnat vient de réaliser un portrait de Victor Hugo.

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29

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 29 mai [18]79, jeudi matin, 8 h.

Je me suis INDULGÉE ce matin par un fort pionçage dont j'avais, du reste, le plus grand besoin. J'espère que tu en as fait autant de ton côté et que ta nuit n'aura rien à reprocher à la mienne. En attendant le froid et la pluie persistent au point de me forcer à écrire séance tenante au marchand de bois. Je vais prendre la quantité habituelle pendant que j'y suis, il se trouvera tout prêta pour l'automne ; je demande en même temps 200 margotinsb. Si nous ne jetonsc feu et flamme avec tout ça c'est que nos cœurs et nos âmes sont incurablement gelés et morts. C'est ce que nous saurons bientôt toi et moi. Je tiens à ta disposition la lettre de la demoiselle Jung [1] en te demandant pardon d'avoir tant tardé à te la donner. Il ne tient qu'à toi de rattraperd le temps perdu. CELA ne me regarde plus maintenant.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF, 16400, f. 135
Transcription de Chantal Brière

a) « près ».
b) « margottins ».
c) « jettons ».
d) « rattrapper ».

[1] À identifier.

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28

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 28 mai [18]79, mercredi matin, 6 h.

Je t'envoie mon bonjour patron-minette, non pour te réveiller, mon grand bien-aimé, mais pour bénir ton rêve s'il se tourne vers moi avec amour. J'ai peu et mal dormi ; voilà quelques jours que je suis agitée et mal avec moi-même, je t'expliquerai cela tantôt si j'ai le courage de rouvrir des blessures mal fermées. En attendant je prie Dieu de te donner à toi le sommeil doux et vivifiant dont tu as besoin pour achever ton œuvre sublime et voir tes deux adorables petits-enfants entrer dans la vie responsable et inaugurer dignement par leur propre mérite l'honneur qu'ils ont d'être sortis de toi. Je te dis mal ce que je sens si bien mais Dieu qui voit mon cœur sait combien il est ardent et sincère dans son amour pour toi. Je suis si émue en ce moment que ma main tremble à ne pas pouvoir tenir ma plume. La respiration me manque comme si j'allais mourir. Ce sont des spasmes qui rendent l'âme anxieuse comme si elle sentait se rompre l'amarre qui la lie au corps. Je n'ai pas peur de la mort qui délivre mais j'ai peur de la mort qui sépare. La mienne sera-t-elle une délivrance ou une séparation ? Toi seul le sait. Mon éternité maudite ou bénie dépend de toi. J'attends, je t'aime, je prie et j'adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 134
Transcription de Chantal Brière
[Souchon]

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27

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 27 mai [18]79, mardi matin, 9 h.

Bonjour, mon doux maître, bonjour, mon grand homme, bonjour, mon divin adoré, comment t'es-tu tiré de ta nuit ? J'ai peur qu'elle ne se soit ressentie des oscillations barométriques qui varient du froid au chaud, du vent au calme, de la pluie au beau temps. Dans ce moment-ci le temps hésite entre une forte bourrasquea et le soleil radieux. Qui l'emportera et quel sera l'état du ciel pendant toute la journée ? Chi lo sa [1] ?
En attendant voici deux convocations pour le Sénat aujourd'hui, 27 mai. 1ere convocation : « Vous êtes invité à assister exactement à la séance du Sénat mardi à 2 heures, élection de deux sénateurs. » 2eme convocation : « à deux heures et demie, local du bureau no 5 pour le renouvellement du bureau », signée Demôle. Plus une lettre de Mme Chenay qui te prie de lui envoyer sa provision du mois de juin chez Mme de La Roncière [2]. Puis des riens à foison et tout le bataclan de mon cœur au grand complet. Voilà. Je t'adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 133
Transcription de Chantal Brière

a) « bourasque ».

[1] Expression italienne : Qui le sait ?

[2] Clémentine Torterat Clément de Ris, épouse de l'amiral de La Roncière, qui mourut à Craconville. Elle est amie avec Julie Chenay.

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26

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 26 mai [18]79, lundi matin, 7 h.

Comment la nuit, mon grand adoré ? Si bonne, moi très contente ; si mauvaise, moi triste. De toute façon j'aurai l'ineffable joie de t'accompagner tantôt à Versailles, il faut en effet être prêts à partir d'ici ce matin à 11 h. ½ pour être au Sénat à une heure, local du bureau n°5, ordre du jour hebdomadaire, séance publique à deux heures. C'est pourquoi je te brosse ma restitus à tour de plume pour être prête à l'heure. Je joins ici un petit papier pour te faire souvenir d'inviter les Arago pour samedi et même le sénateur Magnin [1] bien que sa femme et sa fille nous suffisent. Autant l'un fait l'homme affairé qui ne sait auquel entendre, autant la femme est empressée et charmante. Quant aux autres sénateurs il faut forcément les remettre à l'autre samedi en quinze qui sera celui de Schœlcher. In hastea, mon cher grand homme, et bride abattue, je te jette mon cœur à la tête et mon âme sous tes ailes.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 132
Transcription de Chantal Brière

a) « in hast ».

[1] Pierre Joseph Magnin (1824-1910). Élu sénateur depuis 1875, il deviendra vice-président du Sénat en 1884.

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25

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 25 mai [18]79, dimanche matin, 7 h.

Cher bien-aimé, je t'envoie mon bonjour le plus doux, le plus tendre, le plus souriant et le plus confiant. J'espère que ta nuit aura été suffisamment bonne pour te permettre de te lever beaucoup plus tôt que de coutume sans te fatiguer aujourd'hui ? Quant à moi je suis très patraque ce matin mais j'espère que le bonheur de passer la journée avec toi me redonnera un peu de cœur au ventre. En attendant j'ai déjà bien commencé ma journée, comme tu le vois, en pensant à toi, en t'aimant et en te bénissant.
Je regrette de n'avoir pas eu le temps de prévenir mes petits Koch de profiter de ta loge tantôt. Ces pauvres enfants n'ont pas souvent d'occasion de plaisir en dehors de leurs travaux incessants. Cependant, si je pensais que tu approuves que j'envoie Virginie leur porter un petit mot avec le numéro de la loge dans la matinée en les invitant tous les deux à cette petit fête dont ta présence sera le principal attrait, je le ferais certainement. Peut-être m'y risquerai-je comptant comme toujours sur ta gracieuse et bienveillante bonté pour eux. Je t'adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 129
Transcription de Chantal Brière

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24

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 24 mai [18]79, samedi matin, 7 h.

Dors, mon cher bien-aimé, je te souris et je te bénis. Je te fais souvenir, avant toutes les tendresses dont mon cœur déborde, que ta convocation pour le choix des candidats au Sénat a lieu aujourd'hui même samedi 24 mai, à 3 heures, salle des conférences, boulevard des Capucines, 30.
Je te fais souvenir, en outre, que tu as besoin d'aller chez Rothschilda pour les affaires et qu'il ne tient qu'à toi, en partant d'ici une heure plus tôt, de faire les deux corvées en un seul jour. J'ai dit. Maintenant je reviens à toi, mon divin mouton, pour te prier de m'aimer un peu en toute loyauté et en toute sincérité. Le temps de l'éternelle vérité est si proche de nous que nous devons nous y préparer en renonçant, dès à présent, à toutes les fourberies de cette vie qui ternissent la conscience et inquiètent l'âme. La lettre de Mlle Adèle Gallois est si précise et le service de Messieurs les Sénateurs est si bien fait qu'il me paraît bien difficile que tu n'aies pas reçu cette pseudo-lettre en temps et heure et que tu ne saches pas le vrai nom et la vraie réclamation de la personne qui te l'a adressée. Pense à ce que ton ignorance a d'invraisemblable et fais-toi, et à moi aussi, l'honneur d'une entière et loyale confidence. Cela vaudra mieux que de me donner la tentation douloureuse et humiliante de chercher et de trouver ce que tu ne devrais pas, ce que tu n'as pas le droit de me cacher. Ma vie, plus que ma vie, mon bonheur dépend de toi, je te supplie de ne pas le tuer.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 130
Transcription de Chantal Brière
[Souchon, Massin]

a) « Rostchild ».

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23

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 23 mai [18]79, vendredi matin, 7 h.

Bonjour, mon Grand Petit homme, bonjour, je t'aime et vous ? Es-tu plus content de cette nuit que de l'autre ? Si j'en juge d'après moi tu n'as pas lieu d'en être très satisfait. Quant à moi, j'ai été très agitée sans aucun prétexte appréciable car je ne bois plus de vin blanc depuis trois semaines et de café non plus. Après cela je suis si coutumière du fait d'insomnie qu'il n'y a pas lieu de s'en étonner ni même de s'en occuper. Il n'en esta pas la même chose pour toi qui avais la bonne habitude autrefois de faire ta nuit tout d'une traite. Je voudrais, pour tout au monde, te voir reprendre cette bonne habitude-là. Malheureusement cela n'est pas facile surtout avec les veilles prolongées quotidiennes auxquelles tu t'es acoquiné depuis notre rentrée en France malgré l'avis des médecins. Jusqu'à présent, sommeil à part, ta chère et précieuse santé lutte victorieusement contre cette pernicieuse hygiène mais ça n'en esta pas moins inquiétant pour l'avenir. Pardonne-moi cette tendre râbacherie. Je t'adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 129
Transcription de Chantal Brière


a) « n'est ».

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22

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 22 mai [18]79, jeudi matin, 7 h., Ste Julie

Cher bien-aimé, il faudrait pour que rien ne manquât à ma bonne nuit que la tienne ait été meilleure encore. Malheureusement je ne peux pas m'empêcher d'en douter ; de là le souci de ma pensée et de mon cœur. En attendant que Mariette m'apporte tes chères nouvelles je lis et je relis ta chère bonne petite lettre d'hier [1] qui contient pour moi plus de bonheur qu'elle n'est grande. Je la baise si ardemment que je m'étonne qu'elle n'en soit pas déjà consumée. Ô mon doux adoré, sois béni autant que tu es glorieux et autant que je t'aime et que je te vénère !
Le temps est tout à fait à l'été ce matin ce que j'attribue à la gracieuse influence de sainte Julie. Et à ce propos, je te prie de ne pas oublier de me donner le précieux copeau de ton prodigieux et prophétique discours de dimanche [2]. Tu voudras bien y joindre aussi quelques petits sous pour le radoubage de mes bibelots personnels ? Tu le fais tous les ans et j'y compte pour me faire belle ! Et puis si tu ne veux pas n'en parlons plus. Je t'aime, c'est assez.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 128
Transcription de Chantal Brière

[1] Lettre annuelle de Hugo à l'occasion de la fête de Juliette.

[2] Discours sur l'Afrique composé pour le banquet commémoratif de l'abolition de l'esclavage le 18 mai.

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21

Mon, 14/03/2016 - 16:00

Paris, 21 mai [18]79, mercredi matin, 7 h.

Toc, toc, toc, c'est moi, sainte Julie, dite Juju, qui réclame son petit oremus [1] annuel de son infidèle mais bien-aimé servant, le glorieux des glorieux, l'admiré des admirés, l'adoré des adorés, Victor Hugo ! Cher bien-aimé, je serai bien heureuse si tu as passé une bonne nuit, comme je l'espère et comme je le désire. J'attends de tes chères nouvelles et ma bonne petite lettre de fête avec toutes les tendres impatiences de mon cœur et de mon âme. Je viens de m'assurer qu'il n'y aura pas de séance au Sénat avant lundi prochain, séance publique à deux heures. En même temps ton courrier m'informe que tu as invité à dîner en même temps que Schœlcher samedi prochain son ami, candidat, Léon Lalanne, lequel accepte avec reconnaissance l'honneur etc. Ce qui complètea le chiffre réglementaire avec les trois Houssaye. Je t'aime, ma lettre ! je t'adore, ma lettre !

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 126
Transcription de Chantal Brière

a) « complette ».

Paris, 21 mai [18]79, mercredi, 1 h. du soir

Depuis que j'ai lu ton adorable lettre, mon grand bien-aimé, je me sens sanctifiée, aimée et bénie par toi et par nos anges [2] et par Dieu qui connaît la sincérité, la pureté, l'infini de mon amour pour toi. Mon âme est en proie à toutes les saintes extases comme si déjà j'étais entrée dans la vie éternelle. Toutes les blancheurs de ta vie et tous les rayons de ta gloire m'apparaissenta sans troubler ma vue ni brûler mes yeux comme si déjà mon regard était accoutumé à la grande lumière, à la grande vision de Dieu. J'ai des pensées d'une infinie douceur ; j'ai le cœur débordant d'une religieuse confiance en ton amour et j'ai la joie radieuse des anges dans le paradis. Je sens que nous sommes protégés par nos anges là-haut et j'espère que Dieu nous sourit. J'ai le cœur si gonflé de bonheur que j'aurais besoin de chanter, de pleurer, de crier, de prier, tout à la fois, pour laisser passer le trop-plein de mon insondable émotion et qui [tient] toute cependant dans ce seul mot : je t'aime !!!

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 127
Transcription de Chantal Brière

a) « m'apparraissent ».

[1] Prière, oraison.

[2] Juliette désigne ainsi Léopoldine Hugo et Claire Pradier, leurs filles respectives décédées.

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20

Mon, 14/03/2016 - 15:59

Paris, 20 mai [18]79, mardi matin, 8 h.

J'espère, mon cher Grand Homme, bien-aimé, que ta nuit a été de tout point pareille à la mienne qui a été excellente. Je viens de faire, comme M. de Marcèrea [1], relire ton vaste, admirable et lumineux discours [2] d'avant-hier ; et, comme lui, je t'envoie mon admiration éblouie et attendrie. Merci pour ce nouveau petit chef-d'œuvre qui a toute la portée bienfaisante d'un grand ; et je te demande pardon du mot : petit désignant une œuvre immense ! Mon pauvre Louis [3], que ses devoirs et que sa santé détraquée empêchentb de venir aussi souvent qu'il le voudrait te rendre tous ses respects, toute son admiration et tout son dévouement, m'écrit au sujet de ce prodigieux discoursc avec un enthousiasme débordant et reconnaissant qui me touche profondément. Je te prie, quand tu le verras, de lui montrer un peu de bienveillance car je sais, moi, combien il en est digne. Je me permets aussi de recommander la bonne vieille sainte Julie à ta mémoire demain mercredi. Je t'adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 125
Transcription de Chantal Brière

a) « Narcère ».
b) « empêche ».
c) « discourts ».

[1] Émile de Marcère est alors ministre de l'Intérieur.

[2] Discours sur l'Afrique composé pour le banquet commémoratif de l'abolition de l'esclavage.

[3] Louis Koch.

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19

Mon, 14/03/2016 - 15:59

Paris, 19 mai 18]79, lundi matin, 8 h.

Mon cher bien-aimé, je t'adore. Je jette dès à présent tous mes bobos par dessus les moulins. J'irai avec toi à Versailles bien que le temps ne me paraisse pas bien sûr et quoique le sommaire du Sénat me paraisse peu intéressant ; tu peux en juger d'après lui-même, de sommaire :
Sénat
Ordre du jour de lundi 19 mai à deux heures séance publique
1er Discussion du projet de loi tendant à autoriser le département de l'Allier à emprunter 600.000 f.
2e Discussion sur la prise en considération de M. Hervé de Saisy sur la deuxième délibération du projet de loi relatif à la police sanitaire des animaux, M. Jobard rapporteur.
Et puis c'est tout. Cependant je vais me dépêcher de faire mes affaires pour t'accompagner pede claudo et le cœur bride abattuea. Je t'adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 124
Transcription de Chantal Brière

a) « abattu ».

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18

Mon, 14/03/2016 - 15:59

Paris, 18 mai [18]79, dimanche matin, 8 h.

Cher bien-aimé, où en es-tu de ta nuit et de ton cœur ? Ai-je lieu d'être satisfaite de l'une et de l'autre ? As-tu bien dormi et m'aimes-tu ? Deux grandes questions dont les réponses feront, selon ce qu'elles seront, le tristesse ou la joie de ma journée. En attendant que tu me les donnesa, moi je t'affirme que je t'adore et que j'ai passé une très bonne nuit. Voici une lettre du trésorier du Sénat, M. Desmarets, qui te donne avis que trois membres de la commission du banquet d'amnistie et de l'abolition de l'esclavage ont mission de venir te prendre chez toi, ce soir, à SIX HEURES, pour te conduire en voiture au lieu de la réunion.
Je te prie, mon cher bien-aimé, de tenir compte de l'avis en avançant d'une heure ou deux l'heure de ton déjeuner pour ne pas accumuler digestion sur digestion surtout un jour ou l'on est provoqué, sans s'en douter, à manger plus que de coutume, il faudra aussi, si tu le permets, que nous réglions ensemble le moment où je pourrai aller te chercher. Rien ne peut me faire plus de plaisir, si c'est possible, ce qui est encore une question. Une lettre de Des Essarts en réponse à la tienne où il te prie de lui venir en aide pour une place vacante à l'École Normale et une lettre du fils de Savatier-Laroche t'annonçant la mort de son père. Tu trouveras tout ce courrier réuni à celui d'hier avec tout le stock accumulé de mon vieil amour.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 123
Transcription de Chantal Brière

a) « donne ».

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17

Mon, 14/03/2016 - 15:59

Paris, 17 mai [18]79, samedi matin, 8 h.

Toutes les bonnes nouvelles à la fois ; je t'aime et vous ? Comment ta nuit ? la mienne très bonne. Gavroche est retrouvé ! Quel bonheur !!! La pauvre Mariette était déjà en campagne dès cinq heures ce matin et par un temps de brouillard glacial, heureusement son courage a été couronné de succès : Gavroche est retrouvé. Il était enfermé dans le théâtre de Mme de Nara, c'est la seconde fois qu'il lui arrive de se faire prisonnier volontaire de cette illustre maison. Mariette te racontera tout au long les circonstances dramatiques de sa captivité. Quant à moi je me borne à me réjouir de son évasion dans les bras de la fidèle et dévouée compagne Mariette. Autre guitare : une lettre charmante de Mme Edmond Adam qui va fonder un journal : L'Esprit Libre dont elle sera le directeur politique et littéraire. Mais elle demande l'exécution de la promesse que tu lui as formellement faite autrefois, paraît-il, de publier un livre entier de toi ou coupé ? pourquoi coupé ? that is the question à laquelle toi seul peut répondre. Puis un mandat-poste de 120 F. pour les amnistiés produit d'un concert donné à cette intention par les jeunes gens de Pézenas qui te prient de leur envoyer un mot qui les autorise à continuer. D'autres lettres encore intéressantes à des degrés divers. Puis, enfin, nouvelle à sensation : pas de Sénat aujourd'hui ! Séance publique lundi à 2 heures et sommaire insignifiant et moi qui t'adore à âme que veux-tu ?

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 122
Transcription de Chantal Brière

a) « Nard ».

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16

Mon, 14/03/2016 - 15:59

Paris, 16 mai [18]79, vendredi matin, 8 h.

Cher ineffable grand bien-aimé, je t'envoie mon bonjour le plus tendre, le plus ému et le plus reconnaissant pour l'admirable patience, pour l'inépuisable bonté et pour l'adorable tendresse que tu as euesa pour moi pendant ces interminables, maussades et cruelles souffrances. Je t'en remercie de toutes les forces de mon cœur et de mon âme. À partir d'aujourd'hui je crois que je suis rentrée dans le rail de la santé et que je pourrai dîner à table avec toi ce soir. Quel bonheur de penser que je vais reprendre ma vie d'habitude si douce, si charmante, si heureuse, avec toi, d'être avec toi partout et toujours ; de respirer le même air que toi ; de profiter de ton bienveillant sourire [ligne illisible] sentir que tu réponds à son étreinte ; d'être sûre que tu m'aimes comme je t'aime ; que nos deux cœurs n'ont qu'un seul et même battement et que les ailes de nos âmes s'enlacent encore plus étroitement depuis que la vie physiquea tend à séparer nos deux corps. J'espère que ta nuit a été aussi bonne que possible malgré le mauvais temps persistant ? J'espère aussi que tu n'as pas de Sénat aujourd'hui ? Si ce n'était que pour demain je crois que j'aurai la force de t'y accompagner ce qui serait pour moi [le vrai ?] [ligne illisible]

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 121
Transcription de Chantal Brière

a) « eu ».
b) « phisique ».

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Mon, 14/03/2016 - 15:59

Paris, 5 mai [18]79, lundi, midi ½

Ne t'inquiète pas de moi, mon cher bien-aimé, ce ne sera rien surtout avec le parti que j'ai pris du repos forcé pendant un jour ou deux et dans la température égale du lit. J'espère en être quitte bientôt surtout si tu as la patience de me voir souffrir sans te tourmenter. Émile Allix te le dira lui-même ce soir. En attendant je t'adore comme si de rien n'était.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 120
Transcription de Chantal Brière

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