Juliette Drouet

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Ce site propose l'édition savante du journal épistolaire de Juliette Drouet à Victor Hugo : environ vingt-deux mille lettres annotées par une équipe universitaire, publiées progressivement sur la présente plate-forme.
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29

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 29 janv[ier] [18]63, jeudi soir, 5 h. ¼

Victoire, mon bien-aimé, victoire sur toute la ligne et sur tous les bibelots à rémérer [1]. À partir d'aujourd'hui je me considère comme guérie et je me regarde comme dûment propriétaire de vos nombreux CHRISTOFLESa [2]. Aussi vous voyez que j'en éprouve une joie si immodérée que je patauge dans une restitus monstre. Cela vous apprendra à me combler de vos nombreux bienfaits. Mais, entendons-nous, donnant, donnant, si je vous donne de la santé il faut que vous m'en rendiez avec les intérêts compensés sinon je reprends mon rhume et je m'y vautre à plaisir. Fichtre, ne plaisantons pas et soyons de bonne foi tous les deux. Je consens à flanquer mon mal de tête à tous les diables à la condition que vous ficherez votre mal de gorge par-dessus les moulins. Mais je vous entends et j'interromps mon gribouillage pour vous laisser la parole, ce qui vaut mieux.

6 h. ½

Je ne veux pas laisser ma restitus un pied en l'air ce qui ne serait pas décenta. Je l'achève donc pudiquement avant de dîner dans l'intérêt de la morale et de mon estomac. Je suis bien contente que ton gros Charlot t'ait écrit [3] et qu'il se soit souvenu de moi, mon cher petit homme. Quand tu lui écriras tu voudras bien le remercier très tendrement pour moi. Quant à toi, mon adoré, je passerais mes jours et mes nuits à te dire sans fatigue et sans satiété que tu es la joie de ma joie, la vie de ma vie et mon bonheur en ce monde et mon espoir pour l'éternité.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 24-25
Transcription de Chantal Brière

a) « Christophe ».
b) « descent ».

[1] Reprendre un achat en restituant le prix à l'acquéreur en vertu d'un pacte de réméré.

[2] Juliette commet probablement une erreur commune, confondant le prénom et la marque Christofle, qui existe depuis 1830.

[3] Charles Hugo avait quitté Guernesey, le 25 mars 1861, en compagnie de son père et de Juliette, s'était installé à Bruxelles puis fin octobre sans en avertir son père était parti pour Paris.

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27

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 27 janv[ier] [1863], mardi, 1 h. ½ après midi

Cher bien-aimé, mon rhume fond à vuea de nez et bientôt il n'en restera plus d'autres traces que celles de tes munificencesb. Je suis si heureuse de sentir que tu m'aimes que mon bonheur ne touche plus terre et que mon âme a des battements d'ailes qui emportent mon amour jusqu'au ciel. J'aurais bien désiré t'accompagner tantôt sur la montagne ; mais, malgré le beau soleil qu'il fait en ce moment, la terre est encore trop mouillée pour que j'ose risquer ma guérison presque complète. J'attendrai donc encore jusqu'à demain ; mais pas plus tard ou je me renrhume voilà mon ULTIMATUM. J'ai fait honte à ma SERVARDE de son indiscrétion (pour la forme, bien entendu), mais au fond je suis ravie qu'elle l'ait euec car je vais me goberger dans un ravissant petit flacon que je n'aurais pas osé te demander surtout après le don charmant que tu venais de me faire [1]. Aussi, mon cher petit homme, je me sens engagée par la reconnaissance et par l'honneur à me porter comme un diable, ce à quoi je ne manquerai pas, je te le GURE [2] (orthographe Suzarde) autant que je t'adore.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 23
Transcription de Chantal Brière

a) « à vu ».
b) « mugnificences ».
c) « elle l'ait eu ».

[1] À la date du 25 janvier, Hugo note « achat par Suzanne de six flacons dorés (un à JJ) » (Massin, CFL, t. XII, p. 1414 ).

[2] « Je te le jure ».

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26

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 26 janv[ier] [18]63, lundi soir, 6 h. ½

Cher adoré, je profite de l'absence de Suzanne pour te gribouiller ma restitus avant le dîner car j'ai un si mauvais estomac que j'évite autant que possible d'écrire aussitôt après avoir mangé. Encore une belle journée perdue pour moi puisque je n'ai pas pu sortir tantôt avec toi. Mais aussi quelle revanche je prendrai dès que mon stupide rhume sera fini ! En attendant je bisque dans mon antre et je bougonne dans mon coin. Tu as joliment bien fait de venir travailler auprès de moi ce soir, mon pauvre sublime piocheur, chaque fois que cela te sera possible tu me combleras de joie. C'est bien le moins que tu me donnes tous les moments dont tu peux disposer y compris ceux du travail. Cher adoré, je t'aime, je me guéris à force de nez et de tousserie pour être bientôt en état de courir sur la montagne avec toi. Encore la journée de demain passée à me soigner et je serai à tous crins. Jusque là je t'adore.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 22
Transcription de Chantal Brière

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25

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 25 janv[ier] [18]63, dimanche après-midi, 2 h. ½

Quelle méchanceté du sort, mon cher bien-aimé, qui fait d'aujourd'hui, jour où mon rhume m'empêche de sortir, la plus belle journée depuis plus de trois mois. Ce serait à en pleurer de rage même malgré les deux charmantes compensations que tu m'as données hier au soir. Mais, hélas, qu'est-ce qui peut compenser la perte d'une promenade avec toi en plein soleil et sous le regard de Dieu ? Rien, rien, rien, je ne le sens que trop en ce moment ; aussi, j'écoute tristement la chanson hâtive du printemps que chantenta déjà les oiseaux du voisinage et le regret de mon âme se mêle à cette joie de la nature que j'envie de toute la force de mon amour. Cependant j'espère que cette fois ce sera bien le dernier sacrifice que je fais à mon CATARRHEb. En attendant vous voyez que j'arbore franchement cette jolie rubrique dont vous m'avez ornée depuis longtemps sans même que ma BRONCHITEc proteste contre la fausseté de cette appellation et mon vieux cœur vous adore absolument comme le premier jour de notre amour. ATTRAPÉ d !

BnF, Mss, NAF 16378, f. 21
Transcription de Chantal Brière

a) « chante ».
b) « CATHARRE ».
c) « BRONCHITTE ».
d) « ATTRAPPÉ ».

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24

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 24 janv[ier] [1863], samedi après-midi, 3 h. ½

Ne t'inquiète pas de mon rhume, mon doux adoré, ce n'est rien et cela ne sera rien, je m'y engage sur l'honneur. Il était impossible que je traversasse l'hiver sans faire au moins semblant d'être un peu enrhumée mais une fois cette formalité remplie, je ne dois plus rien à l'enchifrènementa ni à la tousserie. Je n'ai plus maintenant qu'à me bien porter, à te sourire et à t'aimer. Pour cette dernière fonction je suis sûre de m'en acquitter toujours cœur et âme dans ce monde ou dans l'autre. Du reste, mon bien-aimé, sans ce grand vent et sans les mille petites tracasseries propres au samedi, je serais sortie avec toi aujourd'hui, mais ce n'est que partie remise car j'espère bien qu'il fera beau demain et que mon enrouement aura disparu complètement. Jusque là je garde la maison, je me soigne, je t'attends, je t'aime et je t'adore. Tu verras comme nous serons GEAIS et heureux ce soir surtout si tu n'as rien du dehors qui te contrarieb et te tourmente, ce que je te souhaite de tout mon cœur.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 20
Transcription de Chantal Brière

a) « enchiffrènement ».
b) « contraries ».

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23

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 23a janv[ier] [18]63, vendredi 3 h. ¾ après midi

Je n'ai pas compris ton signal [1] tout à l'heure, mon cher petit homme, mais je ne pense pas que ce soit pour sortir ? Dans tous les cas je suis prête, ou à peu près, et je n'ai rien de mieux à faire que de t'attendre comme toujours. Pendant ce temps-là les journées, les heures et les minutes et la vie s'écoulent et c'est toujours autant de gagné. À propos de gagner j'ai reçu tantôt la note de Peter Mauger qui se montait à 10 shillings et une fraction, je te fais souvenir en même temps que j'en ai une autre, note, non payée, de Le Lacheur [2] de 12 shillings et l'appoint. Tu vois qu'il serait urgent de me donner de quoi les payer. Voilà ce que j'ai de plus aimable à te gribouiller pour l'instant. Quant à mon cœur, il est toujours en avance, intérêt et principal [3] et je ne vois pas trop ce que tu pourrais lui réclamer de plus. Je [ne ?] te donne en bloc toute la somme de tendresse que contient mon âme.

BnF, Mss, NAF, 16378, f. 19
Transcription de Chantal Brière

a) la date du « 24 » est corrigée.

[1] Hugo et Juliette communiquaient par signes de maison à maison.

[2] Le Lacheur ou Lelacheur : ce nom apparaît dans les agendas de Hugo pour des règlements de travaux d'horlogerie.

[3] Vers de la fable de La Fontaine « La Cigale et la Fourmi ».

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22

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 22 janv[ier] [18]63, jeudi soir, 5 h.

Je t'attends, je t'espère, je te désire, mon cher petit homme, et voilà pourquoi notre fille est muette [1] et mon esprit aussi. Pourvu que tu te portes bien, que tu sois content de toi et des autres et que tu m'aimes, je suis heureuse. Décidément les jours grandissent car il est cinq heures et je t'écris en plein jour. C'est grand dommage qu'il ne fasse pas plus beau temps pour reprendre avec suite et régularité nos chères petites promenades traditionnelles. Il faudra bien pourtant que le soleil revienne mais en attendant il faut se résigner à rester au coin de son feu et à attendre son Toto depuis le matin jusqu'au soir. Ça n'est pas toujours amusant, témoin aujourd'hui où la journée me paraît avoir quarante-huit heures. Heureusement que le moment de reprendre haleine et courage approche et que je vais bientôt te voir. Jusque là je vous fiche ma restitus à travers les jambes et mon amour à travers le cœur.

BnF, Mss, NAF, 16378, f. 18
Transcription de Chantal Brière

[1] Phrase inspirée d'une réplique du Médecin malgré lui de Molière qui apporte une conclusion à une démonstration confuse.

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21

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 21 janv[ier] [18]63

Car que faire de son cœur à moins que l'on ne gribouille [1] ? C'est pourquoi je patauge à même mon encrier dans l'espoir de trouver le temps moins long et surtout dans celui de te voir arriver tout de suite. Du reste, mon cher petit homme, tu n'as pas dû profiter beaucoup de la promenade….a heureusement te voilà, quel bonheur !!!

7 h. ½

et me revoici encore seule, mon bien-aimé, pendant que tu dînes et que tu fais les honneurs de ton hospitalité au BEAU SEXEb de tous les pays. Ce n'est pas toi qui parcours le monde pour trouver la brune et la blonde, ce sont elles, blondes et brunes, qui accourent des quatre points cardinaux pour te faire l'œil et même les YEUX DOUX. Pendant ce temps-là, moi je t'aime tranquillement à domicile et je t'attends avec une douce confiance que mon amour justifie. Tâche de ne pas me faire attendre trop longtemps, mon adoré, surtout si nous avons lecture ce soir comme c'est convenuc.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 17
Transcription de Chantal Brière

a) Juliette note quatre points de suspension.
b) Un accent circonflexe renforce la prononciation.
c) « convenue ».

[1] Parodie de La Fontaine, « Le lièvre et les grenouilles » : « Car que faire en un gîte à moins que l'on ne songe ? »

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20

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 20 janv[ier] 1863, mardi, 8 h. du m[atin]

Je t'écris de mon lit, mon cher petit homme, où je voudrais que tu fussesa blotti avec moi bien chaudement au lieu de te savoir aux quatre vents, au brouillard et à la pluie comme tu y es dans ce moment-ci au risque de rhume et de mal de gorge. Vraiment tu n'es pas prudent d'ouvrir ainsi matinalement porte et fenêtre à la tempête et à l'ouragan. Quant à moi, qui ai plus de raison que toi, je me tiens close et couverte jusqu'à qu'il y ait des feux allumés chez moi, et je profite de l'incident pour te gribouiller mes tendres grognoneries. Peut-être même écrirai-je par la même occasion à diverses Triger, Féau, Lanvin, Ledon et autres pour économiser les stamps. J'écrirai aussi à mon bêtab de neveu [1] à la condition que tout cela tienne dans ma matinée car j'ai mon FESTIVAL de ce soir à surveiller et j'ai à t'aimer d'arrache-cœur mais fermez donc votre fenêtre, vilain, ou je vous fiche des sottises.

BnF, Mss, NAF, 16378, f. 16
Transcription de Chantal Brière

a) « tu fusses ».
b) « bêtat ».

[1] (Jean-)Louis Koch.

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19

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 19 janv[ier], lundi soir, 5 h.

Merci, mon cher petit homme, de m'avoir donné la joie de sortir avec toi par ce beau temps. Sans ta douce et charmante insistance, je crois que je n'aurais pas accepté ta proposition dans la crainte de te forcer à faire une double promenade ; mais, enfin puisque tu l'as voulu absolument, j'en suis très heureuse et mes scrupules n'en souffrent pas. Du reste je crois que nous avons bien fait de rentrer de bonne heure car le temps est bien noir. Cela ne m'empêche pas de te gribouiller ma chère petite restitus avec ce qu'il reste de jour, cela n'est pas lumineux mais cela me suffit car je prends au hasard dans mon cœur toutes les tendresses qui me tombenta sous la plume. Pendant ce temps-là mon feu s'allume et tout sera prêt quand tu reviendras. Tâche que ce soit le plus tôt possible car je n'ai que ce moment d'intimité réelle avec toi depuis les lectures de Mme Chenay. À bientôt donc mon adoré.

J. J.

BnF, Mss, NAF, 16378, f. 15
Transcription de Chantal Brière

a) « tombe ».

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18

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 18 janv[ier] 1863, dimanche, 5 h. du soir

J'ai le courage de mon rhume, mon cher adoré, mais à ton tour tu devrais avoir celui de ton mal de gorge en ne prolongeant pas ta promenade trop longtemps dans la brume du soir. Je sais par moi-même ce qu'il en coûte pour résister à l'attrait d'une promenade avec toi, c'est pour cela que je te supplie de rompre au plus vite ton charmant tête à tête et de rentrer t'asseoir auprès de mon excellent feu. Ce que je dis de ton tête à tête c'est parce que je pense que tu te promènes avec ta femme mais je le dirais encore si tu n'étais qu'avec ta pensée qui n'est pas la moins attrayante de tes compagnies. En attendant que tu ne reviennesa, mon adoré petit homme, je t'aime à cœur joie et de toute mon âme. Je voudrais passer ma vie à tes pieds à te bénir et à te servir.

BnF, Mss, NAF, 16378, f. 14
Transcription de Chantal Brière

a) « revienne ».

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17

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 17 janv[ier] 1863, samedi, 1 h. ½ après midi

Oui, mon cher petit homme, c'est aujourd'hui fête chez moi, grâce à toi. Plus je te vois et plus mon âme est en joie. Aussi le jour où tu me donnes quelques heures en plus est-il un jour encore plus fériéa pour ma vie que les autres jours. Je te dis cela comme je peux mais tu es si habitué à mes embrouillaminis que tu me comprends à travers mon gribouillis désordonné. Donc je ne m'inquiète pas de ce que je dis puisque je suis sûre de t'aimer du meilleur amour et d'abondance de cœur.
J'espère qu'il ne t'arrivera rien d'ennuyeuxb aujourd'hui et que tu pourras être tout à notre bonne petite gaietéc du samedi. En attendant je fais mettre mes petits plats dans les grands sans rien dedans et voilà MON MENU. Nous verrons comment votre goinfrerie se tirera de cette BONNE FARCE. Sur ce je vous flanque une bonne paire de baisers et je vous adore tout du long.

BnF, Mss, NAF, 16378, f. 13
Transcription de Chantal Brière

a) « fériés ».
b) « ennuieux ».
c) « gaité ».

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16

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 16 janv[ier] 1863, vendredi, 1 h. après midi

Il ne fait pas pour moi encore aujourd'hui un temps à pouvoir sortir, mon cher petit homme, parce que je tiens à me débarrasser tout à fait de mon rhume le plus tôt possible sans compter que maintenant ton bras est légitimement réclamé par une ayantE droit plus autorisée que moi [1]. Il s'agit donc pour moi de ne pas me jeter au travers de cette reprise de possession. Aussi j'attendrai pour sortir avec toi que les jours soient devenus assez longs pour que tu puissesa les partager quelques fois avec moi. Jusque là, je me tiendrai coi le plus possible dans mon petit coin. Je te dis cela du fond de mon cœur et avec toute la tendresse de mon âme et sans la moindre mauvaise pensée car tu es mon généreux homme adoré. Je veux que tout le monde autour de toi t'aime, te bénisse et soit heureux comme moi-même, c'est pour cela que je te supplie de ne pas me ménager et d'être à tout et à tous le plus que tu pourras.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 12
Transcription de Chantal Brière

a) « tu puisse ».

[1] La périphrase désigne Madame Hugo qui est plus clairement évoquée dans la lettre du 18 janvier.

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15

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 15 janv[ier] 1863, [jeudi], 2 h. ¼ après midi

Que tout soit à souhait pour toi, aujourd'hui, mon grand bien-aimé, santé, nouvelles, affections, gloire, amour, bonheur, mon cœur te souhaite tout et te donne tout. Je pense que tu as reçu le journal de Luthereau qui contient, à ce que j'ai entrevu, un article sur la pièce de Charles et l'annonce de l'album [1]. Je n'ai rien lu encore mais j'espère qu'à défaut de talent le cœur s'y fera sentir. En attendant je voudrais bien que tu n'aies aucun nouveau sujet de mécontentement contre ce stupide Che [2] pour toi d'abord que cela indigne et pour sa pauvre petite femme, qui n'en peut mais, que de souffrir toute sa vie d'être si mala tombée. Tout cela ne me regarde que par rapport à toi, mon doux adoré, et c'est pour cela que je te prie d'avoir patience et de m'aimer au milieu de ta gloire et de tes tribulations de toutes sortes. Moi je t'adore.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 11
Transcription de Chantal Brière

a) « ma ».

[1] Il s'agit de l'adaptation théâtrale des Misérables de Charles Hugo et Paul Meurice qui se jouait à Bruxelles depuis le 3 janvier 1863 et de l'album Castel dont la publication suscita de nombreuses tensions entre Hugo, l'éditeur Castel et Paul Chenay le graveur, beau-frère de Hugo.

[2] Paul Chenay.

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14

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 14 janv[ier] 1863, mercredi soir, 5 h. ¾

Tu es béni, tu es grand, tu es mon bien-aimé dont je baise les pieds et que j'adore. Quand je résiste à ta sollicitude trop vite alarméea c'est que je sens bien qu'il n'y a pas lieu de t'inquiéter et qu'il vaut mieux secouer son bobo que de le mettre dans du coton, ne fût-ceb que pour le forcer à déguerpir le plus tôt possible.

7 h. ¼

Mon cher petit homme à preuve de ce que je te gribouillais tout à l'heure et pour te montrer combien j'ai raison de ne pas t'écouterc je viens de dîner comme une ogresse et je me porte comme un diable, n'était ma moucherie acharnée je serais la plus pimpante des mortelles. Il n'en estd pas [de même ?] de ma pauvre servarde qui éternue et qui tousse sans relâche. Je viens de lui conseiller de se coucher tout de suite mais elle résiste jusqu'à présent. Quant à moi, je te le répète, mon cher petit homme, je vais très bien et je t'aime de plus en plus et autant que j'ai de force, de cœur et d'âme.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 10
Transcription de Chantal Brière

a) « allarmée ».
b) « fusse ».
c) « écouteur ».
d) « n'est ».

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13

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 13 janv[ier] 1863, mardi, 2 h. ¼ après midi

Je profite de ce petit rayon de soleil et d'un peu de répit de mon rhume pour te dire que tu es mon amour béni, ma joie radieuse et mon bonheur rayonnant. Il n'y a pas de coryzaa qui tienne, cela est ainsi et je me sens la plus vivace, la plus vivante et la plus heureuse femme du monde rien qu'enb t'écrivant ces sept lettres : JE T'AIME. Ainsi ne t'inquiète pas de mon rhume ni de rien tant que tu m'aimeras. Le jour où tu ne m'aimerais plus tout serait pour moi le néant dans lequel je disparaîtrais sans regret peut-être même sans souffrance tant ma vie est inhérente à ton amour ; donc tant que tu m'aimeras je vivrai, je te sourirai, je te bénirai et je t'adorerai sans que rien puisse m'en empêcher. J'espère te voir avant ce soir, mon doux bien-aimé, en attendant je te baise de l'âme.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 9
Transcription de Chantal Brière

a) « corizza ».
b) Juliette note deux fois « qu'en ».

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10

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 10 janv[ier] 1863, samedi, 1 h. ¾ après midi

Quel dommage que tu sois si enrhumé, mon pauvre bien-aimé, pour toi d'abord qui souffre, et pour notre petit festival de ce soir qui se ressentira, quoi que tu fassesa, de ton affreux enchifrènementb. Mais ce dont je te supplie avant tout, mon doux et généreux homme, c'est de ne pas te contraindre et d'être carrément enrhumé à la face de Dieu et de la fève, (lisez haricotc), qui étaleront leurs magnificences ce soir. Atchi, atchi, at, at, at…chiiiii ! doit passer avant le roi boit, le roi boit, le roi boit [1] ! Quant à moi, plus tu te mettras à l'aise et moins je me tourmenterai de ton bobo. En attendant, mon cordon bleu fait assez triste mine devant son maigre festin mais qu'y faire puisque le marché est encore plus dégarni que ma bourse ? Quant à moi je m'en bats l'œil, comme dit saint Augustin, et pourvu que tu ne sois pas trop souffrant je me sens en veine d'amour, c'est-à-dire de bonheur. Telle est ma force et ma philosophie [2] car je t'adore.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 7
Transcription de Chantal Brière

a) « tu fasse ».
b) « enchiffrènement ».
c) « harricot ».

[1] Juliette évoque la célébration de l'Épiphanie avec la fève et le cri : « Le roi boit » qui doit être poussé chaque fois que le convive couronné pour avoir trouvé la fève boit.

[2] Parodie d'un refrain du Robin des Bois ou les Trois Balles de Castil-Blaze et Thomas Sauvage (Odéon, 7 décembre 1824), adaptation libre du Freischütz de Weber : « L'amour, le jeu, le bon vin : / Voilà mon joyeux refrain, / Et ma philosophie. » Remerciements à Roxane Martin et Olivier Bara, qui ont identifié pour nous cette référence.

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12

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 11 janv[ier], 1863, dim[anche] soir, 5 h. ¾

Je te gribouille ma restitus en ce moment AVEC la pensée que cela va te faire arriver tout de suite, comme lorsqu'on se met à table pour faire venir le retardataire.

12a [janvier], lundi après-midi, 3 h.½

Pardonne-moi, mon adoré, de te continuer cet informe gribouillis moins embrouillé encore que ma cervelle à vingt-quatre heures de distance. Mais je suis abêtie par le mal de tête que je ne sais ni ce que je fais ni ce que je dis. Heureusement que le cœur n'a pas besoin d'idées pour aimer aussi je t'aime d'autant plus que je n'ai aucun moyen de te le faire savoir. Encore une fois, mon grand adoré, pardonne-moi et surtout ne t'inquiète pas de ce bobo qui n'est après tout qu'une nouvelle forme du [rhumatisme ?] [illis.] peut-être il [illis.] sa station [pour ? par ?] une autre partie de [moi ?] même moins sensible et moins nerveuse. En attendant il faut de la patience ce dont je ne suis pas très pourvue et à ce sujet je te dirai que j'ai compté avec ta cuisinière ce matin. Je me réserve de te raconter cela quand je te verrai tantôt. Jusque là je te recommande à ton tour d'avoir pour elle beaucoup, beaucoup, beaucoup de patience pour peu que tu tiennesb [tant soit ?] peu à elle. Enfin je te dirai [que l'important ?] pour moi c'est que je t'adore.

BnF, Mss, NAF, 16378, f. 8
Transcription de Chantal Brière

a) La date du 11 notée par Juliette est erronée.
b) « tu tienne ».

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9

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 9 janv[ier] 1863, vendredi, 8 h. du soir

Cher petit homme, je demande à ton rhume d'être indulgent pour ma migraine, je lui demande en outre de ne pas trop te tourmenter et de t'abandonner le plus tôt possible. Je ne m'excuse pas de t'avoir pas fait ma restitus plus tôt car tu sais que j'ai toujours beaucoup de chiens à fouetter et beaucoup de surveillance à exercer rien que pour ma seule Suzanne et encore je ne viens pas toujours à bout de la maintenir dans la parfaite voie droite ; témoin ce soir où la susdite va un peu en zigzag pour avoir soi-disant bu des restes de lie, mais en réalité pour avoir absorbé plus ou moins de ton vin que le Renouffle [1] aura trouvé moyen de lui glisser à tes dépensa et aux miens. J'espère que cette griserie ne se renouvellera pas de sitôt mais en attendant la chose en elle-même est assez agaçante. Je te demande pardon de m'y être arrêtée si longtemps et je t'aime avec toutes les ivresses de mon âme.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 6
Transcription de Chantal Brière

a) « à tes dépends ».

[1] Dans les agendas de Hugo figure le nom de « Renouf le tonnelier » qui « met le vin en bouteilles » (Massin, CFL, t. XII, p. 1405, p. 1423).

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7

Thu, 28/04/2016 - 14:10

Guernesey, 7 janv[ier] 1863, mercredi 5 h. ½ du soir

Je n'ai plus trop longtemps à attendre maintenant, mon cher petit homme, car voici bientôt l'heure de ton dîner. J'ai passé tout le temps depuis que tu m'as quittée à regarder le splendide et tout à fait hors ligne portrait de toi par ces deux pauvres et modestes jeunes hommes Michaud et Maës [1]. J'ai regardé en outre toute la collection de portraits de Bacot que je ne connaissais pas et qui est très réussie et très belle dans son genre. J'espère que tu voudras bien m'en donner quelques-uns de ces portraits dont je suis de plus en plus avide au fur et à mesure qu'on te reproduit sous de nouveaux aspects. Pendant que je remettais dans nos paquets respectifs toutes les photographies, Corbin est survenu. Mais puisque te voilà c'est à toi que je vais dire

7 h. ½ …a

que je t'aime et que tu es le charme de mes yeux et la joie de mon âme.

BnF, Mss, NAF 16378, f. 5
Transcription de Chantal Brière

a) Points de suspension et tirets courent jusqu'au bout de la ligne.

[1] Il s'agit du portrait réalisé la veille du banquet des Misérables dans l'atelier des photographes belges Michaud et Maës, tiré à quatre-vingt exemplaires, « collé sur un carton avec un double entourage surmonté de l'indication imprimée “ SOUVENIR/du 16 Septembre 1862 ”, et orné d'une magistrale signature autographe » (Jean-Marc Hovasse, , Victor Hugo, Fayard, t. II Pendant l'exil. 1851-1864, 2008, p. 746-747).

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